en dehors Mémoire de fin d'études d'Hugo Poirier, sous la direction de Mathilde Sauzet Mattei. ENSCI-Les ateliers 2017

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Depuis plusieurs décennies, la notion d’ouverture est omniprésente dans le langage commun et en particulier dans le jargon politico-médiatique. Si dans son sens premier, « ouvrir » renvoie à l’action de déplacer ou d'ôter ce qui rendait un espace clos ou inaccessible1, dans l’imaginaire collectif, la notion d’ouverture a depuis longtemps dépassé la seule portée spatiale pour embrasser des significations plus abstraites et plus larges. Ainsi pour s’épanouir est-il conseillé d’être ouvert aux autres, pour grandir de s’ouvrir au monde. Nous vantons les bienfaits des politiques d’ouverture, un open space est un lieu où il fait bon travailler, un créatif ouvre son esprit, tandis que les amoureux ont ouvert leurs cœurs. L’ouverture est synonyme de dialogue, d’intérêt, de tolérance, d’acceptation. La fermeture marque le refus, le conflit, l’étroitesse d’esprit. Mais si cette obsession pour l’ouverture existe, ne serait-ce pas parce que nous partons du principe que tout est clos ? Nous aurions donc naturellement les yeux, l’esprit et le cœur fermés, et nos portes closes.

 

 Et pour cause, notre modèle de société occidental, aujourd'hui quasi-mondialisé, s'appuie sur une logique simple : celle de la délimitation2. Nous divisons, limitons, enfermons. Ce principe de cloisonnement structure nos espaces mais également notre système de pensée. Il s'incarne par exemple dans la fragmentation du savoir en disciplines, du temps en unités, des hommes en classes. Nous sommes striés de limites temporelles, physiques, mentales, linguistiques, technologiques, mathématiques, sociales… si bien que notre rapport au monde se construit à l’aune de ces lignes visibles et invisibles qui nous enveloppent et rythment notre quotidien.

À ce titre, elles peuvent être rapprochées de ce que Giorgio Agamben qualifie de « dispositif »3, ou de ce que Gilles Deleuze a appelé des « moyens de contrôle » :

 

« …avec une autoroute, vous n’enfermez pas les gens. Mais en faisant des autoroutes, vous multiplier les moyens de contrôle. Je ne dis pas que ce soit le but unique d’une autoroute. Mais des gens peuvent tourner à l‘infini sans être du tout enfermés, tout en étant parfaitement contrôlés. »4

 

Malgré une apparente liberté d'action et de pensée, il semble que nous évoluions au sein de systèmes clos et limités. Peut-on alors envisager de s'extraire de ces dispositifs ?

 

 J'ai profité de l'occasion offerte par le mémoire pour explorer cette notion de limites qui quadrillent nos vies quotidiennes par le prisme des objets qui nous entourent.  J'entends par « objet » une entité physique ou immatérielle, extérieure à l'homme, produit ou non par l'homme, qui exerce un impact sur son environnement. Il n'est pas restreint à une échelle particulière.

Notre vie peut en effet être considérée comme un enchaînement continu d'interactions avec les êtres vivants et les objets qui construisent notre environnement. Ces objets jouent un rôle déterminant dans notre rapport au monde : ils sont à la fois les témoins et acteurs principaux de nos modes de vie.

Ils participent donc à l'action de certaines limites autant qu'ils les rendent visibles. On peut aller jusqu'à se demander si le concept même d'objet n'est pas une délimitation.

 

 Sous le prisme de divers objets, j'ai donc étudié plusieurs cas particuliers de limites fermées qui exercent un contrôle sur notre rapport au monde. Le choix de mes différents cas d'étude a été guidé par la volonté de m'intéresser à différents degrés de conditionnement, en prenant pour point de départ des expériences personnelles, vécues ou observées.

1.

D'après la définition

du Centre National

de Ressources Textuelles

et Lexicales (CNRTL).

2.

L'écrivain et philosophe Régis Debray, dans éloge des frontières,

explique que les cosmogonies occidentales sont fondées sur l’acte de séparer, de diviser. Il évoque notamment la création de Rome, née du pomerium tracé par Romulus, « délimitation sacrale et inviolable du Palatin »,

Les premières limites spatiales tracées en Occident ont ainsi permis de bâtir un ordre à partir

du chaos originel, en séparant le sacré du profane.

Régis Debray, éloge des frontières, éd. gallimard, Paris, 2013 (2010), p. 27.

3.

Giorgio Agamben définit un dispositif comme « ce qui a, d'une manière ou d'une autre, la capacité de capturer, d'orienter, de déterminer, d'intercepter, de modeler, de contrôler et d'assurer les gestes, les conduites, les opinions et les discours des êtres vivants ».

Giorgio Agamben, Qu'est-ce qu'un dispositif ?, éd. Payot & Rivages, Paris, 2007, p. 31.

4.

Gilles Deleuze, « Qu'est-ce que l'acte de création ? », conférence donnée dans le cadre des « Mardis de la Fondation des Métiers de l'Image et du Son » (FEMIS), 17 mars 1987.

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Carte du monde des fuseaux UTM (Universal Transverse Mercator).

Marc Khachfe, Chicago, 2013.

Google map, Bonita Springs, Florida.

Michael Wolf, photo extraite de la série Architecture of density.

Maisons phénix, plan du RDC d'une maison individuelle.

Apple, iPhone 6.

Apple, clavier sans fil.

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Mon exploration, démarrée avec le planisphère pour rentrer progressivement dans le découpage des territoires, de la ville, l'organisation de la maison, les objets capotés, jusqu'au langage, a été guidée par un questionnement :

 

Peut-on envisager des limites ouvertes ?

 

Ce mémoire retranscrit ma recherche, non pas sous la forme d'un sentier linéaire, mais plutôt d'une étendue à explorer librement. à l'image d'un archipel, il rassemble des pensées, des images, des anecdotes extraits d'horizons éloignés qui se côtoient et dialoguent les uns avec les autres.

 

Je vous invite à présent à naviguer dans cet espace, sans aucun ordre de lecture précis à respecter. Chaque élément rencontré révélera un contenu qui, une fois parcouru, vous invitera à rebondir vers un autre fragment.

Bonne dérive.

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 « Le peuple autrichien a fait le choix de l’Europe et de l’ouverture. »

« L'ouverture est le meilleur moyen de lutter contre le terrorisme. »

« La Chine va mettre l'accent, sans fléchir, sur des politiques d'ouverture. »

« Innovation et ouverture d’esprit : la leçon des Indiens du Mexique. »

« Couple : 8 astuces pour apprendre à mieux s'ouvrir et communiquer. »

« Les entreprises françaises vont profiter de l’ouverture de l’Iran. »

« Douze exercices pour ouvrir son cœur et son esprit. »

« Le président indonésien a été présenté comme un homme d’ouverture. »

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en dehors Mémoire de fin d'études d'Hugo Poirier, sous la direction de Mathilde Sauzet Mattei. ENSCI-Les ateliers 2017
en dehors Mémoire de fin d'études d'Hugo Poirier, sous la direction de Mathilde Sauzet Mattei. ENSCI-Les ateliers 2017

Depuis plusieurs décennies, la notion d’ouverture est omniprésente dans le langage commun et en particulier dans le jargon politico-médiatique. Si dans son sens premier, « ouvrir » renvoie à l’action de déplacer ou d'ôter ce qui rendait un espace clos ou inaccessible1, dans l’imaginaire collectif, la notion d’ouverture a depuis longtemps dépassé la seule portée spatiale pour embrasser des significations plus abstraites et plus larges. Ainsi pour s’épanouir est-il conseillé d’être ouvert aux autres, pour grandir de s’ouvrir au monde. Nous vantons les bienfaits des politiques d’ouverture, un open space est un lieu où il fait bon travailler, un créatif ouvre son esprit, tandis que les amoureux ont ouvert leurs cœurs. L’ouverture est synonyme de dialogue, d’intérêt, de tolérance, d’acceptation. La fermeture marque le refus, le conflit, l’étroitesse d’esprit. Mais si cette obsession pour l’ouverture existe, ne serait-ce pas parce que nous partons du principe que tout est clos ? Nous aurions donc naturellement les yeux, l’esprit et le cœur fermés, et nos portes closes.

 

 Et pour cause, notre modèle de société occidental, aujourd'hui quasi-mondialisé, s'appuie sur une logique simple : celle de la délimitation2. Nous divisons, limitons, enfermons. Ce principe de cloisonnement structure nos espaces mais également notre système de pensée. Il s'incarne par exemple dans la fragmentation du savoir en disciplines, du temps en unités, des hommes en classes. Nous sommes striés de limites temporelles, physiques, mentales, linguistiques, technologiques, mathématiques, sociales… si bien que notre rapport au monde se construit à l’aune de ces lignes visibles et invisibles qui nous enveloppent et rythment notre quotidien.

À ce titre, elles peuvent être rapprochées de ce que Giorgio Agamben qualifie de « dispositif »3, ou de ce que Gilles Deleuze a appelé des « moyens de contrôle » :

 

« …avec une autoroute, vous n’enfermez pas les gens. Mais en faisant des autoroutes, vous multiplier les moyens de contrôle. Je ne dis pas que ce soit le but unique d’une autoroute. Mais des gens peuvent tourner à l‘infini sans être du tout enfermés, tout en étant parfaitement contrôlés. »4

 

Malgré une apparente liberté d'action et de pensée, il semble que nous évoluions au sein de systèmes clos et limités. Peut-on alors envisager de s'extraire de ces dispositifs ?

 

 J'ai profité de l'occasion offerte par le mémoire pour explorer cette notion de limites qui quadrillent nos vies quotidiennes par le prisme des objets qui nous entourent.  J'entends par « objet » une entité physique ou immatérielle, extérieure à l'homme, produit ou non par l'homme, qui exerce un impact sur son environnement. Il n'est pas restreint à une échelle particulière.

Notre vie peut en effet être considérée comme un enchaînement continu d'interactions avec les êtres vivants et les objets qui construisent notre environnement. Ces objets jouent un rôle déterminant dans notre rapport au monde : ils sont à la fois les témoins et acteurs principaux de nos modes de vie.

Ils participent donc à l'action de certaines limites autant qu'ils les rendent visibles. On peut aller jusqu'à se demander si le concept même d'objet n'est pas une délimitation.

 

 Sous le prisme de divers objets, j'ai donc étudié plusieurs cas particuliers de limites fermées qui exercent un contrôle sur notre rapport au monde. Le choix de mes différents cas d'étude a été guidé par la volonté de m'intéresser à différents degrés de conditionnement, en prenant pour point de départ des expériences personnelles, vécues ou observées.

en dehors Mémoire de fin d'études d'Hugo Poirier, sous la direction de Mathilde Sauzet Mattei. ENSCI-Les ateliers 2017 à consulter sur ordinateur & tablette.
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